Je m’appelle Raphaëlle. Je suis née le 23 octobre 2012 à Mayenne.
Dès le départ, on m’a induite en erreur. Déjà au niveau de l’espèce. 9 mois dans le ventre de maman, c’est trop court. On me sort de force après 9 mois et 11 jours à maintenir ma position. Après une sortie compliquée, on me diagnostique hypotonique avec des soucis d’alimentation.
Je suis un marsupial et reste greffée à ma maman les premiers mois de ma vie. Elle me nourrie, prends soin de moi, m’entoure d’amour, et me réconforte. Elle est mon univers et rien d’autre ne m’intéresse.
Mes parents m’amènent voir des médecins qui spéculent sur des diagnostics. Pour eux, il faut que je rentre dans le bon tiroir, que j’ai la bonne étiquette. J’ai un retard global des acquisitions et de la croissance.
A 13 mois, j’ai vu plus de personnel médical que certaines personnes en 1 vie. Je dois passer 2 jours à l’hôpital. On m’examine, me perce, me manipule, m’entrave sans prendre en compte mes besoins et ils n’écoutent même pas maman. Alors je m’absente et reste dans mon univers. Papa est là, je n’avais pas fait attention à lui jusqu’à présent.
Après une concertation d’équipe, maman, papa et moi prenons enfin une décision. C’est à nous de choisir. Choisir l’accompagnement médical, les soins, les examens et surtout suivre son instinct.
Je suis une petite fille spéciale, extraordinaire. Mes parents ont eu cette confirmation par des médecins qualifiés. On m’aide à faire les bons gestes, prendre de bonnes postures. C’est difficile, parfois très compliqué, y compris pour mes parents, alors je m’absente quand c’est trop dur mais je ne lâcherai pas !
Je n’arrive pas à grossir ou à grandir. Cela me demande trop d’énergie de manger. On veut me forcer, voir me gaver à l’aide d’une sonde. Il n’en est pas question.
J’ai 2 ans et demi, j’ai reçu un bout de toit sur ma tête. Mon père et moi dormons à l’hôpital avec un garçon malade. La nuit se passe mal pour lui, toutes les 2 heures des personnes viennent et le soignent. Ça a l’air douloureux parce qu’il crie dans notre chambre commune. Je m’inquiète pour lui, me réveil à chaque fois et je pleure avec lui. Mon univers n’étant pas là, j’accepte papa pour me rassurer.
Quelques temps après, on me présente un nouvel allié qui deviendra mon meilleur ami : le saucisson. Notre binôme fonctionne tellement bien que je mange de plus en plus. J’ai beaucoup plus d’énergie, suffisamment en tout cas pour m’ouvrir enfin au monde.
Après 1 an de démarche pour monter un dossier MDA, échanger, défendre mon dossier auprès de différentes institutions, j’ai 3 ans ½ et je suis prête a essayer quelque chose de nouveau : l’école.
On me dégote des personnes incroyablement gentilles pour appréhender ce nouveau milieu, il parait que les parents ont perdu le droit d’y aller. Les débuts sont compliqués, je m’épuise vite, ma maman me manque et mon naturel de Koala à dormir 18h par jour n’aide pas. Têtue, je persiste et commence a apprécier, puis adorer ces moments d’apprentissage, de découverte et de contact avec d’autres enfants. Ils sont bienveillants, m’acceptent et m’encouragent.
Durant mes phases d’éveil, j’ai un emploi du temps chargés depuis mes 6 mois : psychomotricien, généticien, orthophoniste, ophtalmologiste, orthoptiste, kinésithérapeute, neuro-pédiatre, et encore plein d’autres, tout le monde veut me voir.
Malgré mes efforts, je ne me déplace pas, j’ai besoin de moyens de locomotion et de maintien.
Avec beaucoup de patience, je progresse, m’ouvre un peu plus au monde et aux personnes. Je rencontre des médecins qui me considèrent enfin comme une personne et non comme un animal de laboratoire. Papa et maman deviennent kinésithérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, …
J’ai 4 ans et ½, le diagnostique tombe, je suis une OGM, un Organisme Génétiquement Modifié. J’ai le syndrome PURA. Une protéine défaillante qui est responsable de l’ensemble des éléments de la croissance que se soit au niveau moteur ou cognitif. Cela explique pourquoi je ne marche toujours pas malgré mes efforts. Je chante, mais je n’arrive pas à me faire comprendre. Nous sommes 130 dans le monde. On me dit que c’est peu, mais mes parents me disent que je suis unique.
Une fois cette nouvelle assimilée, mon monde évolue très vite. Mes accompagnateurs se spécialisent, je rencontre un orthophoniste qui communique avec moi via des image (PECS), maman s’y forme également et on arrive a communiquer autrement. Je réalise des séances de kinésithérapie hebdomadaire avec psychomotricité et une éducatrice spécialisé. L’un de mes plus grand bonheur reste les balades à l’extérieur en vélo ou en poussette. Nous faisons même des weekend sous la tente.
Le syndrome PURA m’amène une nouvelle famille, j’ai une sœur en France qui habite à côté de la maison, à à peine 1 journée en voiture. Elle s’appelle Marina et je l’ai rencontré en 2016. Entre nous, cela passe très facilement. Elle me présente ses amis (UPVA66) ou encore ses activités. Elle me propose même une course avec une sacrée équipe de volontaire : COURIRES 66. Avec papa, on a décider d’essayer et au final, on a décidé d’en faire aussi chez nous.
Marina est un modèle et j’espère pouvoir faire ce qu’elle fait un jour.
J’ai 5 ans et c’est le jour de Noël. Je l’ai préparé depuis quelques semaines et j’ai décidé que ce soir allait être le bon. J’ai choisi ce moment avec attention, je l’ai guetté, je sais qu’il ne m’abandonnera jamais. Je suis seule avec lui et je lui dis « papa », mon premier mot, en le regardant droit dans les yeux. Bon, pour faire bonne figure et éviter un drame familial, je prononce « maman » quelques jours plus tard !!!
Je continue mes efforts, je suis différente. Comme chaque enfant, j’ai des besoins spécifiques. A ma façon, j’y arriverai, mais il me faut du temps, des moyens et surtout de la bienveillance. Je ne veux prendre la place de personne. Je veux que l’on m’accepte comme je suis, une source inépuisable de joie et de bonheur.
Aujourd’hui j’ai 8 ans grâce à ma persévérance et la pugnacité de mes parents à m’emmener à des thérapies me permettant d’être un peu plus autonome chaque jour. Je suis ultra heureuse et fière de vous annoncer qu’aujourd’hui, je tiens debout seule, marche comme une grande et même je cours avec l’aide d’un adulte ! Le chemin est encore long pour que je sois un jour autonome mais je m’accroche car je le sais, mes parents me le dise tous les jours, j’y arriverai.
Je le sais, papa et maman n’y arriverons pas tout seul. Je les aide mais ça ne suffit pas à me préparer pour l’avenir. Je dois essayer de nouvelles thérapies, avoir un accompagnement non conventionnel. J’ai toujours besoin de nouveaux équipements médicaux car je grandit, mais je veux aussi pouvoir avoir des loisirs. Bref, j’ai beaucoup de travail devant moi.
En espérant pouvoir compter sur votre énergie et votre bienveillance,
Raphaëlle