Eléna, mon bébé parfait
Une rencontre, une grossesse, un bébé. Rien d’inhabituel, non rien… Point de départ d’une vie de famille qui n’aura rien d’habituel…
Eléna, petit être de chair qui fera basculé notre vie dans un dédale fait de galères, d’inconnu, de peine, de joie mais surtout d’amour.
Eléna est arrivé dans ma vie, sur le tard, à l’aube de mes 35 ans. 1er bébé tant espéré, tant désiré. Une grossesse en dent de scie, de gros pics de tension dus à un boulot stressant, alitement forcé dès le 6ème mois et un terme qui n’arrive pas à son bout. Mademoiselle pointe le bout de son nez le 13 juin 2008, avec 4 semaines d’avance. Le bébé parfait, bonheur de courte durée quand apparait une tête inconnue dépassant d’une blouse blanche avec ses mots qui resteront à jamais gravés : « il y a un problème ».
Eléna a aujourd’hui 13 ans et oui il y a un problème. Un problème avec un nom barbare : PPP2R5C, 2ème cas recensé au monde après 8 années de recherches et aujourd’hui, en 2021, 6 cas en tout et pour tout. Eléna est la seule fille à avoir cette maladie génétique, elle est unique. Mon petit amour est un « OGM », un organisme génétiquement modifié, la faute à pas de chance comme me dit le généticien, c’est tombé sur elle, ça aurait pu être n’importe qui d’autre (j’aurais préféré gagné au loto mais j’ai pas choisi!). Ce diagnostic ne nous apportera rien de plus, juste l’envol de cette foutue culpabilité de se dire qu’on a fait quelque chose de mal, qu’on est responsable.
Les premiers mois de mon bébé parfait se résument à quelques mots, hôpitaux, examens, IMRM, prise de sang, génétique, neurologie, bilan métabolique, radiologie, échographie, eeg et je vous en passe encore et encore… Je découvre un nouveau monde, de nouveaux termes que je ne comprends pas toujours… J’entends des mots durs « elle ne marchera jamais », « je ne suis pas optimiste sur son avenir », « on en fera rien »… Je m’effondre, je pleure et puis très vite je dis « NON ».
Pour elle je dois relever la tête et me battre… Commence alors la rééducation. Notre premier « nouvel ami » s’appelle Philippe, il est kiné, prescription 15 séances, qui se transformeront vite en séances à durée indéterminées. Aujourd’hui il est devenu notre plus « vieil ami », étant le 1er d’une longue liste de thérapeutes qui se sont relayés depuis toutes ces années auprès d’Eléna pour sa rééducation (kinésithérapeutes, orthophonistes, orthoptistes, psychomotriciennes, psychologue, ergothérapeutes, éducateurs spécialisés…). C’est notre quotidien, et notre nouvelle vie sociale.
Eléna peine, tout est long, pas un sourire n’apparaît sur son visage. Elle vit dans son monde, ne sort pas de sa bulle. Elle est sage, trop sage. Je voudrais qu’elle pleure, qu’elle crie, qu’elle rigole mais non, rien. Sa vie se résume à « manger, dormir, pipi-caca, rééducations, regards dans le vide. Et puis, à force de travail, les victoires s’enchainent. 8 mois : 1er sourire…11 mois, tenue de tête… 2 ans tenue assise… ça continue, ça avance, on y croit…
Le 2 novembre 2013, je reçois un sms, une petite vidéo envoyée par notre nouveau « plus vieil ami », le 1er pas de Mademoiselle, seule, sans aide… je repense à ces mots durs entendus et je suis fière, fière d’être sa maman. La marche (branlante) a ouvert des perspectives, la bulle éclate : Eléna rejoint peu à peu notre monde, et c’est un bonheur chaque jour grandissant. Bien sur nous sommes encore à mille lieues du monde des enfants « neurotypiques » mais chaque progrès est une fête. Il faut qu’Eléna parle, il faut qu’elle soit propre, il faut qu’elle mange toute seule… etc… tant de choses restent à faire. Rdv, bon de transport, vsl, salle d’attente, dossier ald, mdph, réunion, examens en tout genre, recherche de nouvelles techniques, s’adapter, chercher des solutions, se battre, se battre encore et encore se battre : un boulot à plein temps… Un boulot sans salaire mais rempli d’amour.
Aujourd’hui, du haut de ses 13 ans, Eléna est encore un bébé dans le corps d’une adolescente.
S’est ajoutée à sa maladie génétique un gros coup dur, survenu dans la nuit du 1er au 2 mai 2019. Une date que je n’oublierai jamais, tant tout s’est écroulé sous mes pieds…. La première d’une longue série : la crise d’épilepsie…. Descente aux enfers, on ne s’attendait pas à ce que ça arrive, même si dès son plus jeune âge, notre neurologue nous avait prévenu de cette éventualité à la puberté. Elle suit aujourd’hui un traitement en tri thérapie.
Aujoud’hui, Eléna est prise en charge en externat 3 jours et demi en Institut médico éducatif après avoir tenté une scolarisation normale pendant 5 années en maternelle. Ça a été très très difficile de passer ce cap, une longue, très longue réflexion, beaucoup de pleurs, de doutes, d’incertitudes. Est ce le bon choix? Ce passage est aussi le deuil de l’enfant classique. Il nous propulse vers un monde parallèle. Je ne regrette pas, elle entame sa 4ème année et elle y est bien plus épanouie qu’à l’école qui s’est révélé totalement inadaptée (y’a du boulot pour l’inclusion des enfants en situation de handicap) et un échec sans autre nom. Elle ne parle toujours pas, ne mange pas seule et n’est toujours pas propre. Elle a évolué, fait de très gros progrès mais le chemin est encore long…
C’est un petite fille joyeuse, pleine de vie et qui déborde d’amour (un vrai pot de colle), il y aurait tant à dire sur sa vie, sur ma vie, sur notre vie…. je l’aime telle qu’elle est et je ne changerai rien car elle est elle, et malgré les difficultés, elle est mon bébé parfait.
Rachel, maman d’Éléna et Présidente d’Un pas vers l’autonomie